Présidentielle 2023: Un premier parachute en faveur de Matata

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La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a procédé à l’ouverture de son Bureau de réception et de traitement des candidatures (BRTC) à la présidentielle du 20 décembre 2023, ainsi que le prévoit son calendrier. Pour cette élection importante s’il en est en RD Congo, un dispositif de sécurité particulier a été mis en place autour du siège de l’institution d’appui à la démocratie, sur le boulevard du 30 juin dans la commune de la Gombe à Kinshasa. Cette chaussée a été partiellement fermée à la circulation de l’immeuble Sozacom jusqu’à la place de la Gare centrale côté CENI et un déploiement discret, mais suffisamment pour dissuader des mauvais éléments de la population congolaise, les « kulunas » de s’adonner à leurs méfaits. .

En cette première journée de fonctionnement du BRTC/présidentielle, les préposés de la CENI ne se sont pas tournés les pouces, puisque trois candidats à la prochaine présidentielle ont tôt fait de répondre présent. Le premier d’entre eux n’est nul autre qu’Augustin Matata Ponyo, ancien premier ministre Joseph Kabila, aujourd’hui à la tête de son propre parti politique, Leadership et Gouvernance pour le Développement (LGD. Son dossier de candidature déposé, Augustin Matata a déclaré aux médias que « les Congolais m’ont demandé de déposer ma candidature à l’élection présidentielle, tel est aussi la volonté des membres de mon parti LGD. C’est une décisiomizrn du congrès de mon parti, c’est aussi la volonté de la population congolaise et je me réjouis d’être le premier à avoir déposé ma candidature. Moi, je n’ai pas beaucoup de promesses à faire, ayant été premier ministre-chef du gouvernement, j’ai fait beaucoup de choses qui restent dans la mémoire des Congolais. J’ai stabilisé le cadre macro-économique, le taux de change est resté stable pendant près de 8 ans ».
POURSUITES JUDICIAIRES
Seulement, l’ancien Premier ministre est poursuivi par la Cour constitutionnelle, la plus haute instance judiciaire en RD Congo, dans le dossier relatif au détournement des fonds destinés au projet de la ferme agro-industriel de Bukanga Lonzo. Un projet gigantesque conçu pour assurer l’indépendance alimentaire de la dizaine de millions d’habitants de la capitale grâce à cette ferme implantée sur les terres avares de la province voisine du Kwango. Bukanga Lonzo, c’était un projet pilote des parcs agro-industriels à essaimer à travers la RD Congo, officiellement lancé le 15 juillet 2014 par l’alors président de la République, Joseph Kabila. Les premières récoltes de ses 5.000 hectares de maïs étaient attendues début mars 2015.

Elles ne sont jamais arrivées. Malgré la présence d’impressionnantes machines agricoles importées, à grands frais et à grand renfort de publicité. A telle enseigne que pour ne pas perdre la face, les gestionnaires du projet en furent réduits à faire venir subrepticement de la semoule de maïs d’Afrique du Sud pour la vendre à des prix défiant toute concurrence sur les marchés de la capitale avec des étiquettes Bukanga Lonzo. Un simulacre trop onéreux qu’il fallut arrêter après que plus de 200 millions USD soient partis en fumée. C’était en définitive rien moins qu’une arnaque. Mais, ni Augustin Matata, le maître d’oeuvre de ce projet mort-né, ni certains de ses collaborateurs au sein du gouvernement d’alors, et encore moins l’entrepreneur Sud-africain Safricom chargé de l’exécution du projet ne veulent assumer la moindre responsabilité dans l’hécatombe de Bukanga Lonzo.
205 MILLIONS USD DETOURNES
Une enquête menée par l’Inspection générale des Finances à la demande de Matata Ponyo lui-même, a révélé l’étendue du gâchis. L’ancien chef du gouvernement est bien l’auteur intellectuel, et à certains égards le bénéficiaire, de la débâcle du projet qu’il avait personnellement conçu, planifié et pour lequel il a engagé des sorties de plus de 83 % des dépenses effectuées au profit des comptes du partenaire sud-africain et de ses filiales en violation de toutes les réglementations en vigueur, selon les enquêteurs. Le rapport de l’IGF reproche au premier chef à Matata Ponyo la procédure du choix de ce partenaire qui n’avait que trois ans d’existence au moment de la signature du contrat de gestion, contrairement aux exigences légales de passation des marchés publics en RD Congo.

Des montants faramineux se sont volatilisés dans l’achat d’équipements coûteux, dont certains ne furent jamais livrés ; des frais de gestion ont été indûment payés à des prestataires sans titres ni droits, notamment à travers des paiements au titre de libération du capital social au-delà du montant de la quotité due par l’Etat congolais dans un certain nombre de sociétés privées. Tous ces faits ainsi que l’opacité qui les a entourés ont conduit les inspecteurs des finances chargés de l’enquête à dénoncer un cas flagrant de dol et de négligence en matière de garanties de bonne gestion par le partenaire sud-africain. «Africom déterminait les besoins en investissements, passait les commandes, fixait les prix et achetait les équipements, matériels et intrants sans être mis en concurrence avec d’autres fournisseurs», déplorent-ils, entre autres. Au total ce sont bien 205 millions USD qui ont été détournés sur 285 millions décaissés par le Trésor public.
STRATEGIE DE L’ESQUIVE
L’ancien premier ministre n’entend nullement s’en laisser conter et a multiplié, jusqu’à il y a peu, des stratégies d’esquive pour échapper aux poursuites, selon ses détracteurs. L’homme s’est fait élire sénateur en mars 2019, avant d’annoncer sa candidature à la présidentielle le 3 mai 2022, en pleines tourmentes judiciaires. Deux qualités qui lui procurent une armure protectrice contre toute poursuite devant la justice, raison d’immunités parlementaires et de la protection légale due aux candidats à l’élection présidentielle.

Au terme d’une saga judiciaire à rebondissement au cours de laquelle la Cour constitutionnelle s’est dessaisie du dossier des poursuites engagées contre un ancien premier ministre avant de s’en ressaisir, et de fixer l’affaire au 21 août 2023. Absent à l’audience introductive, du reste renvoyée pour irrégularités dans la transmission d’exploits aux personnes poursuivies (en plus de Matata Ponyo, Déogratias Mutombo, ancien gouverneur de la Banque centrale du Congo, et Christo Grobler, l’entrepreneur Sud-africain), le président de Leadership et gouvernance pour le développement s’est bien rendu à la seconde audience dans le cadre de cette affaire en cours d’instruction, le 4 septembre. Et l’affaire a été renvoyée au 25 septembre 2023.
Le premier candidat officiel à la présidentielle 2023 reste donc sous la menace de la justice rd congolaise. Raison de plus pour « sauter premier » ?
J-P E

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