Le ministre français de l’intérieur, Bruno Retailleau, a annoncé que des vols allaient décoller ce mois d’octobre afin de ramener chez eux des congolais en situation irrégulière. Les africains de la région des Grands Lacs sont de plus en plus nombreux à entrer de manière clandestine à Mayotte. Mais ces dernières années, c’est également devenu un lieu d’exil pour des congolais fuyant la guerre dans l’Est de leur pays. Ils sont en effet nombreux à tenter leurs chances à Mayotte. Mais lorsqu’ils arrivent sur le territoire, la réalité est brutale. Depuis des années, l’île n’arrive plus à faire face au flux d’arrivée de migrants. Bruno Retailleau a annoncé mercredi 2 octobre avoir ordonné au préfet de Mayotte, archipel français dans l’océan indien, d’organiser des vols groupés pour reconduire les ressortissants en situation irrégulière de la République Démocratique du Congo (RDC) dans leur pays. « Dès ce mois d’octobre, le préfet de Mayotte (en a eu) l’instruction », a déclaré Bruno Retailleau à l’Assemblée nationale lors des questions au gouvernement. L’entourage du ministre a précisé à l’Agence France Presse que quatre vols groupés avaient été organisés depuis février et qu’il y en a au moins trois prévus pour le seul mois d’octobre afin de vider en partie le centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte. La coopération avec la République Démocratique du Congo est excellente selon la même source. Le ministre français de l’intérieur a également annoncé des « accords de sécurité bilatéraux avec les pays » de la zone de l’Afrique des Grands Lacs (République Démocratique du Congo, Burundi, Rwanda, Tanzanie) dans le but d’arrêter « le flux ».
RÉSEAU D’HÉBERGEMENT SATURÉ
Depuis la fin des années 2010, des centaines de migrants originaires de l’Afrique des Grands Lacs, en particulier de la République Démocratique du Congo et du Rwanda rentrent chaque année sans autorisation à Mayotte après un voyage en « kwassa kwassa » (petites barques en bois) depuis les côtés de l’Afrique de l’Est, de Madagascar ou des Comores voisines. A Mayotte, le réseau d’hébergement des demandeurs d’asile, un statut qui octroie aux exilés le droit d’être hébergé par l’Etat, est complètement saturé. Ses six cent places sont occupées en permanence. Les migrants et les demandeurs d’asile s’installent donc dans des camps de fortune, notamment celui du stade de Cavani, à Mamoudzou, le chef-lieu de l’île, désormais démantelé. Par contre cette situation a provoqué des tensions avec des habitants : les exilés se disent régulièrement victimes de violences et d’intimidation, d’une partie de la population du territoire. Leur présence suscite l’hostilité de la population locale. La préfecture a alors procédé à plusieurs évacuations : trois cent africains qui ont obtenu le statut de réfugiés, ont par exemple été envoyés en métropole en février. Alors qu’ici, l’immigration africaine cristallise les tensions, les annonces de Bruno Retailleau sont saluées, par exemple par Mansour Kamardine, ancien député Les Républicains. Il se dit « heureux de la fermeté affichée » par le ministre. Du côté des associations humanitaires, en revanche, c’est l’inquiétude qui domine. Elles craignent d’avoir plus de difficultés financières afin de mener leurs actions. .
LES STATISTIQUES
Au 1er décembre 2023, les africains représentaient 48% des trois milles demandes d’asile déposées sur l’année dans 101e et dernier département français. En 2002, ils comptaient pour 25% des dossiers examinés par la France. Une hausse qui inquiète les autorités. « C’est une situation que l’on ne connaissait pas il y a encore dix ans et qui prend aujourd’hui des proportions considérables », confirmait déjà en février 2022 à InfoMigrants. Un policier en fonction sur l’île. Près de la moitié des habitants ne possèdent pas la nationalité française à Mayotte, où la population au 1er janvier était estimée à 321 000 personnes par l’Institut national de la statistique (INSEE).
TENSION AVEC LES HABITANTS
« Les agressions sont quotidiennes, encore plus récurrentes que lorsque nous étions dans le camp », racontait en juin à « InfoMigrants Desire », une rwandaise qui a vécu trois mois à Cavani. Elle décrivait des prises à partie qui interviennent de jour comme de nuit par des « jeunes délinquants », armés de bâtons, machettes et pierres. Au mois de janvier 2024, les habitants de l’île, excédés, avaient également bloqué les principaux axes routiers de l’île principale. Pour désengorger Mayotte, les autorités françaises ont également mis en place un dispositif permettant à toutes les personnes ayant obtenu le statut de réfugié d’obtenir un « laissez-passer » afin de prendre l’avion et rejoindre la Métropole, à condition de pouvoir payer le billet d’avion.
UN CONSTAT AMER
C’est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur. En effet, il faut savoir que depuis la date à laquelle Mayotte est devenue département français (NDLR), on constante une arrivée de plus en plus massive des migrants venus de la région Kivu. Ce choix de Mayotte, c’est parce que Mayotte, en fait c’est un eldorado. C’est un petit bout de la France qui est dans l’océan indien. Et via, leur réseau, en fait, les personnes qui sont venues à Mayotte et qui ont vu leur situation régularisée, qui sont reconnues comme étant des demandeurs d’asile, eh bien ces personnes-là incitent leurs proches à migrer vers Mayotte. Il faut savoir également qu’il y a un réseau qui a été installé depuis la Tanzanie via les Comores vers Mayotte. Donc, il y a des passeurs comoriens qui ont recours à cette pratique pour encourager les migrants congolais à venir à Mayotte. Car, auparavant, on avait plus tendance à voir les flux migratoires partir du reste du continent africain vers les pays du Maghreb. Par contre ces routes migratoires sont de plus en plus dangereuses. Le passage vers Mayotte est moins risqué pour ces personnes. Et il faut savoir que le gouvernement comorien, en fait, joue un double jeu, parce qu’ils sont au courant de ce trafic via leur pays. Mais bon, ils préfèrent fermer les yeux et croiser les bras.
Majoie Kisalasala
