Yoka Lokolé ou The Fania All Stars, la guerre des étoiles !

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Yoka Lokolé est un groupe musical congolais de Kinshasa. Cet ensemble est créé par Mavuela Somo, Shungu Wembadio et Bozi Boziana, en novembre 1975 dans la capitale congolaie, après leur séparation d’avec Evoloko Lay-Lay et du groupe Isifi Lokolé. Après une querelle de leadership, le Trio amène avec lui le soliste Shora Mukoko alias Maillot Jaune et le lokoliste (percussionniste de l’instrument traditionnel, lokolé) Otis Koyongonda qui se convertit en batteur.

Des nouveaux musiciens, comme le bassiste Dada Kombe et le guitariste rythmique Syriany Mbenza complètent l’ensemble. Yoka Lokolé connaît un début musical très lent, mais finit en apothéose. En mars 1976, l’attaque-chant de Yoka Lokolé qu’on appelait à l’époque, The Fania all Stars, reçoit un renfort de taille, avec l’arrivée de Mashakado Mbuta, qui vient de claquer la porte de Zaïko Langa-Langa. Avec quatre étoiles dans le groupe, le grand succès ne se fait pas attendre.

En juin 1976, la chanson Matembelé Bangi de Shungu Wembadio chapeaute le hit parade congolais. Et la danse Mashakado au pas de Yoka Lokolé n’a de rivale que  « Choquer » du Tout Choc Zaïko Langa-Langa et « Lofimbo » d’Isifi Lokolé. Pendant les grandes vacances de l’année 1976, il y eût des spectacles sous forme de duel entre Yoka Lokolé et Zaïko Langa Langa. Les deux groupes tiennent le public kinois en haleine au ciné Palladium ou sur le podium de la grande foire de Kinshasa.

Toujours en juin 1976, le chanteur Djo Issa, un autre show-man en provenance du groupe Stukas de Lita Bembo, rejoint Yoka Lokolé, qui par la suite lance successivement sur le marché des tubes comme : Maloba bakoko (Mavuela Somo), Mabita (Mbuta Mashakado), Lisuma ya zazou et Maman Walli (Shungu Wembadio) et la cerise sur le gâteau c’est « Bana Kin » de Mavuela Somo. En décembre 1976, des querelles de gestion et de leadership apparaissent au grand jour. L’arrestation de Papa Wemba (Shungu Wembadio) en ce début décembre, pour avoir séduit la fille d’un général d’armée du régime Mobutu, et son court passage à la prison centrale de Kinshasa, n’arrangent pas les choses.

Le reste du groupe fait une tournée dans le Bas-Congo dans le but de secourir leur  confrère. Mais cela déplut à Papa Wemba qui s’était senti négligé et abandonné à son triste sort. En ce moment, la guerre est déclarée entre Papa Wemba (soutenu par ses proches et fans compatissants) et le duo Mavuela-Mashakado. Désormais, la crise est ouverte, les grandes gueules s’entrouvrent, tous les coups sont permis. Le duo a pris l’habitude comme on sait le faire à Kinshasa : le fait de revendiquer et d’afficher publiquement leur origine kinoise, particulièrement avec la chanson Bana Kin (Mavuela) qui fait fureur en cette fin d’année 1976.

Vers la fin décembre 1976, Shungu Wembadio (Papa Wemba) est libéré. De retour, il tente de rejoindre le groupe qui se produisait à Un-Deux-Trois, le fameux dancing de Franco Luambo, ses compagnons lui signifient sa suspension. C’est la dernière réunion du Yoka Lokolé avec Papa Wemba. Dès son départ, la querelle de nom a débuté, avec d’un côté Yoka Lokolé aile Mavuela et d’un autre côté, Yoka Lokolé aile Shungu. Lassé par ces guerres incessantes, Papa Wemba opte en février 1977, pour son nouveau groupe Viva la Musica, nommé ainsi en l’honneur de son cri de guerre aux temps forts de Yoka Lokolé.

Dès le début de l’année 1977, Syriany, le soliste et Otis le batteur, quittent Yoka Lokolé pour rejoindre Papa Wemba, le patron de Viva la Musica. En renfort, Yoka Lokolé recrute le chanteur Kanza Bayone (le ténor de l’orchestre Kiam), le guitariste rythmique Sec Bidens et le batteur gabonais Baroza de Gabonia (qui était alors étudiant à l’académie des Beaux-Arts de Kinshasa). C’est le temps de la célèbre danse « Mekroumé ». Pendant trois mois, le groupe évolue sans Mashakado Mbuta qui accompagne Tabu Ley Rouchereau et une sélection qui comprend le soliste Manuaku Waku ainsi que le chanteur Nyoka Longo et Likinga Redo, du Zaïko Langa-Langa. Pendant ce temps, Papa Wemba et son nouveau groupe Viva la Musica, font une entrée foudroyante sur la scène musicale du Zaïre (actuelle RDC) et de l’Afrique centrale. L’énorme succès de Viva la Musica met en difficulté tous les orchestres en vue au Zaïre, exceptés OK Jazz de Luambo Franco et Afrisa International de Tabu Rochereau. Le Yoka Lokolé n’y échappera.

D’après une rumeur, le duo Mavuela-Mashakado, s’attaquait directement et publiquement aux non-natifs de Kinshasa, « Bawuta »(les blédards). Ils visaient particulièrement Papa Wemba en disant tout cela. Car, ce dernier s’est fait beaucoup d’ennemis qui étaient encore au pouvoir. Ces gens-là ont toujours conservé des pouvoirs : financiers, politiques et occultes. Ils étaient largement capables de faire et défaire des orchestres en fonction des mœurs et des courants politiques. Sentant le vent tourner,  Bozi Boziana, malgré le succès du single Mandolina, en février 1977, est  le premier à quitter cet orchestre mythique.

Début avril 1977, il fait du Nzo-Nzing (collaboration musicale en dehors des orchestres) avec Efonge Gina Wa Gina durant deux mois environ. Ensemble, ils composent deux chansons : Selemani (Bozi) et Libanko na nga (Gina), deux chansons qui ont cartonné. Cela poussa    Efonge Gina à quitter le navire Langa-Langa, pour aller créer son propre orchestre « Tout Grand Libanko » en mai 1977. C’est le même Bozi qui prend sa place dans Zaïko Langa-Langa. Le retour de Mbuta Mashakado de Lagos (Nigéria), chamboule tout, la situation générale du groupe Yoka Lokolé n’est pas rose. Zaïko Langa-Langa également en perte de vitesse et sans véritable show-man pour faire contre poids au succès de Viva la Musica. Nyoka Longo fait ouvertement appel à Mbuta Mashakado.

Ce dernier ne résiste pas longtemps et rejoint Zaïko Langa-Langa en août 1977, en criant « nazongi na  canaille kaka ». Après ces départs, Mavuela Somo devient seul maître à bord, il recrute de nouvelles figures comme le soliste Pack Lutula (un ancien pilier de l’orchestre Tabu national) avec son frère Eugène Lutula, Ikomo Djoyo, Espérant Kisangani et d’autres. Le chanteur Fabrice Fanfan de Molokaï, Shimita Lukombo El Diego, Lifelo Moto-Moto (un transfuge d’Isifi Lokole devenu Melodia), Aimedo le batteur et les frères Fataki.

Le groupe sort successivement des chansons de bonne facture comme « Testament » en décembre 1977 (Mavuela), « Tubela » en juillet 1978 (Mavuela). Ces disques se vendaient bien, mais sans pouvoir cartonner dans les hits parades. C’est à la même époque que ce groupe revient à la charge avec la danse « Skylab ». Après cette dernière vague, Yoka Lokolé, sous la direction intérimaire du guitariste Sec Bidens, s’est éteint discrètement. Sa disparition a été confirmée quand Mavuela Somo, encouragé par sa première tournée en solo au Gabon en décembre 1978, fit le choix de poursuivre sa carrière personnelle.  Ce fut la fin de Yoka Lokolé, qui disparaît, après avoir lancé ses stars au firmament. Ce groupe a fasciné le public congolais en le tenant en haleine pendant trois bonnes années.

Majoie Kisalasala/correspondante en France

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