Maxime Soki Vangu, né le 18 août 1947 et son jeune frère Emile Soki Dianzenza, né le 14 décembre 1954. Tous les deux natifs de Kinshasa (ex : Léopoldville). A la base, une chose les caractérise, ils sont tous les deux chanteurs et auteurs-compositeurs. L’aîné étudiait à la colonie scolaire de Boma, chantait à la chorale de l’église, à ses heures perdues. De temps en temps, il interprétait les chansons de quelques-uns de ces grands qui l’ont précédé dans la musique, à la grande satisfaction de son auditoire et surtout de ses encadreurs. Mais, par le petit frère qu’il obtiendra la célébrité. Le petit Emile, un jeune prodige, considéré comme Michael Jackson de la musique congolaise, un adolescent qui a été propulsé sur le devant de la scène musicale. Tout juste âgé de 15 ans, le jeune Emile, vient de participer à un festival organisé par le chanteur Madiata en 1969, au stade Papa Raphaël où Il interprète une chanson dédiée à l’Unité Africaine et dont, par le plus grand bonheur, il remporte la palme. Ce trophée suscite en lui, une vocation. Maxime Soki l’encourage et les éditeurs de la place commencent à s’y intéresser. On se le dispute. Les voilà qui signent avec la Musette, Deux 45 tours dont notamment : « Mokolo ya mariage », « Baboti bapekisi », deux titres d’Emile et « Misère ya Basi » ensuite « Muasi ya Bato », ces dernières signées de Maxime. La magie a opéré et le succès est au rendez-vous ! Leurs premières chansons au studio font un tabac, partout on fredonne leurs chansons. Le Petit Emile Soki devient la coqueluche de tous les jeunes de son époque. Ils montent un groupe de fortune et commencent à donner des concerts pendant la journée. Plus tard ils négocient afin de jouer en lever de rideau de Negro-Succès. Découvert par Bavon Marie-Marie le frère de Franco Luambo, Maxime rejoint Negro-Succès jusqu’à la mort de Bavon. L’orchestre Bella-Bella voit le jour en 1970. Et depuis cette année-là jusqu’à 1972 c’est la totale ! L’orchestre Bella-Bella, mis sur les rails, démarre en trombe avec le succès que l’on connaît. Dans ce nouvel orchestre on pouvait reconnaître des musiciens de talent comme : Ricos Kinzunga, Dino Vangu, Pierre Bissikita, Zeus Kayembe, Emmany Shaba et autres… Nous ne pouvons pas parler de frères Soki, sans mentionner Canta Nyboma, l’homme à la voix d’or. Sa voix se marie tellement bien à celles des frères Soki que le public est emballé par des tubes comme, « Mandendeli » ou « Lina » du prince Dianzenza. Se sachant leader incontestable de l’orchestre, caprice de star oblige, Emile n’en fera qu’à sa tête. Il commencera à sécher les répétitions, puis à se présenter en retard aux concerts. Puis un jour vers la fin de l’année 1971, ce qui devait arriver, arriva. Son grand frère qui jusque-là acceptait ses caprices, va lui priver de micro pour indiscipline chez Rolly bar devant un public médusé. Sa chanson fétiche de l’époque « Baiser ya Litama » est interprétée par lui-même Maxime Soki à la satisfaction générale. Se sentant lésé et inutile, il se décidera le lendemain de claquer la porte de Bella-Bella et d’aller monter son propre groupe qu’il dénommera Bella Mambo. Il bénéficiera du concours de Dino Vangu, Vata Mombasa, Nkurayum, MP Chéri, Babalou, Benazo, Makiona, Papy Tex et autres… En peu de temps, l’orchestre devient une menace sérieuse pour l’orchestre restée chez Verckys Kiamuangana car des chansons comme, « Tongo Etani », « Chérie Nyota » ou « Mutambula mpimpa » sont sur toutes les lèvres. Le succès lui sourit, le prince Soki Dianzenza tient tête à son grand frère qui pour le remplacer fera appel à Pépé Kallé. Alors qu’Emile se prépare de plus belle, on apprend qu’un différend oppose Maxime Soki Vangu à son éditeur Verckys Kiamuangana. Ce dernier va d’ailleurs le virer de l’orchestre, heureusement comme à son habitude Maxime Soki Vangu emmène dans ses valises le nom de Bella-Bella. Un nouveau conseil de famille se tient pour venir à la rescousse du grand frère. Le jeune Soki Dianzenza sera contraint d’abandonner, la mort dans l’âme son Bella Mambo chéri, pour faire à nouveau équipe avec son frère Maxime Soki Vangu. Les musiciens de Bella Mambo vont d’ailleurs s’allier à Pépé Ndombé pour donner naissance à l’orchestre Makina Loka. De leur côté les frères Soki vont faire appel au savoir-faire de Dizzy Mandjeku, aidé par Emmany Shaba et Lafir Pongi Mananga sans oublier Mick Wutukayani à la batterie. Les premières chansons de l’orchestre enregistrées chez Bokelo comme « Nzambe Mokonzi », « Musoso », « Silako », « Longola ngai soni »… Toutes ces chansons ont l’aval du public et font déjà vaciller l’orchestre Lipua-Lipua de l’écurie VéVé. Dans la foulée l’orchestre complète son recrutement en engageant le soliste Julien Mboma, le chanteur Willy Tedia et les saxophonistes : Muteba Celio et Massa Visi sans oublier Lipili à la Tumba. Comme à son habitude Emile Soki prend les choses en mains et lance sur le marché des chansons à succès par exemple : « Tikela ngai Mobali », « Nganga », « Menga », « Kamavasthy »… L’orchestre domine à nouveau tous les orchestres du même style. L’orchestre est même sacré meilleur orchestre de l’année 1974. Cependant la majorité des chansons à succès portent la signature de Soki Dianzenza mais en fin de compte c’est Maxime Soki Vangu qui en tirent bénéfice. En 1975 Emile décide qu’il y ait séparation des pouvoirs : les éditions « Les frères Soki » pour lui et les éditions « Bella-Bella » pour le grand frère, mais la transparence n’est toujours pas au rendez-vous. Pendant cinq ans les deux frères caracolent sur le hit-parade. La gérance de Maxime Soki semble toujours bancale. En guise de réparation, Maxime Soki Vangu ira jusqu’à acheter une Renault neuve pour son frère mais ce dernier déclinera cette offre, la jugeant insuffisante et décide de suspendre ses productions avec l’orchestre. On vendra cette voiture et on lui remettra la contrevaleur mais il exigera plus. C’est ainsi qu’avec les réservistes de l’orchestre à savoir Maze, Sebos, Yangayanga et autres, il va improviser un voyage dans le Bandundu. C’est au cours de ce périple qu’il va faire la connaissance de son jeune frère Kanda Bongo Man. A son retour à Kinshasa, il annonce la création de l’orchestre Bella Mambo Rénové qui très vite va captiver l’attention du public avec des chansons : « Kalanda », « Mobembo », « Mazina » pour ne citer que celles-là. Tout comme la chèvre de monsieur Seguin, Emile Soki ne voit pas qu’il court un grand danger en compagnie des gens sans scrupules…Il va donc sombrer dans la drogue et n’étant pas solide mentalement, il va errer çà et là à végéter. Tout le monde sent qu’il a perdu la tête mais lui naturellement ne remarque rien. On le voit dans la ville, circulant à la tombée de la nuit, sans destination précise, s’arrêtant de bistrot en bistrot, micro de fortune à la main et interprétant ses anciens succès : Mandendeli, Lina, Youyou, Kamavasthy, Bienvenu Doudou, Nganga et tant d’autres… moyennant quelques oboles. Tabu Ley essaye de le récupérer mais il se heurte au refus catégorique de la famille. Pour se venger de Maxime, il débauchera d’ailleurs de Bella-Bella : Diasi, Lafir et Shaba. En 1977, Maxime apporte son soutien à Papa Wemba pour lancer son groupe Viva La Musica en mettant à sa disposition un matériel pimpant neuf, ce dernier signe son premier disque « Maman Wali ». A 26 ans, la voix la plus exubérante de la musique congolaise avait déjà rangé son micro. En 1985, la famille tentera tant bien que mal de le remettre sur les rails après une désintoxication, mais rien n’y fait car il fera une rechute. En 1987, Emile tombe malade et on apprendra sa mort le 4 mai 1990, et comme s’ils étaient liés par le sort, le grand frère va le rejoindre deux semaines plus tard à l’étranger où il s’était installé en Allemagne. L’histoire retiendra qu’Emile se révèle être une des plus grandes voix de la musique congolaise car il a su dominer sur toute sa génération, bourré de talent aussi bien par son leadership que par ses compositions exceptionnelles. Quant à Soki Vangu, sa fille aînée, la petite Zizina (à qui son père a dédié la chanson éponyme) devenue grande, a repris la succession des affaires de son géniteur. Elle se débrouille tant bien que mal avec son éditeur de mari pour rééditer les œuvres de son défunt père. Nous saluons la mémoire de ces deux frères qui ont pu se hisser au sommet de la musique congolaise pendant des années et sans partage. Aujourd’hui le nom de Soki est devenu populaire grâce à leur talent et leur ingéniosité.
Majoie Kisalasala/correspondante en France