Le Staff Benda Bilili, une épopée époustouflante !

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Staff Benda Bilili est un orchestre originaire de Kinshasa en République Démocratique du Congo, composé principalement de personnes handicapées. Benda Bilili signifie « Regarde au-delà des apparences », et littéralement « met en valeur ce qui est dans l’ombre ». Atteints de poliomyélite dans leur enfance, les membres du groupe se déplacent en fauteuil roulant et passent la plupart de leur temps dans la rue, entourés par les shegués (enfants vagabonds). Leur musique intègre les éléments de la rumba congolaise, de la musique cubaine, du rythm’n’blues et du reggae, voire du funk. Tout commence en 2005, à l’occasion des élections présidentielles. Staff Benda Bilili crée une chanson intitulée « Allons voter ». La Mission de l’Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUC) décide de l’enregistrer afin de pousser la population à aller voter. Largement diffusée, notamment sur Radio Okapi gérée par MONUC, cette chanson obtient un tel succès que certains lui attribuent en partie le taux élevé de participation au vote (70% des inscrits). En 2009, le groupe sort l’album : « Très Très Fort ». La majorité des titres a été enregistrée en plein air, précisément dans le jardin zoologique de Kinshasa, où le groupe répétait régulièrement. A l’automne de la même année, Staff Benda Bilili fait sa première tournée européenne. Des vidéos montrant le groupe en train de jouer dans les rues de Kinshasa connaissent également un vif succès sur le net. Elles ont été réalisées par Belle Kinoise Production, société de production de Florent de La Tullaye et Renaud Barret. Le deuxième album de Benda Bilili s’intitule « Bouger le monde » et sort en 2012. Le groupe véhicule un message universel, à la fois, émouvant et plein d’espoir : il soutient que le handicap est principalement psychologique et certaines de ses chansons prodiguent des conseils pour vivre mieux son handicap. Récemment le Staff Benda Bilili se réunit à N’Djili, à Kinshasa pour des répétitions de rodage afin d’aiguiser leur talent. Dans la cour où ils se réunissent, les poules se déambulent, d’où se lève une musique urbaine familière. Dix ans après la gloire, le Staff Benda Bilili rêve de revenir sur le devant de la scène et réclame tous les fruits de leur succès d’antan, quitte à se brouiller avec ceux qui les ont fait connaître. Ils se souviennent encore de leur succès, quand ils enflammaient les salles européennes et épataient le festival de Cannes. Leur style était unique, la vie de Ricky, Coco, Théo, Djunana… Une vie bouleversante. Au delà de l’Europe, ils donnaient des concerts au Japon, en Australie, aux Etats-Unis, aux Antilles….Puis la belle histoire s’arrête en 2013. Le groupe se disloque, la fin d’une tournée est annulée. « On n’était pas vraiment séparés, il y avait un peu de mésentente », veut croire aujourd’hui Roger, un ancien gamin de la rue qui, tout en étant valide, a rejoint le groupe à ses débuts, en jouant d’un drôle de petit instrument bricolé avec une boîte de conserve. En 2011, entre deux tournées, Roger décrivait combien tout avait changé pour lui. « La vie est belle », disait-il. Maintenant à 35 ans et avec six enfants, « c’est dur ». Après les achats de maisons, de vêtements, l’argent des tournées et des disques, a fondu, la vie est devenue difficile pour tout le monde. Il y a quatre ans environ, sur le conseil du responsable d’une ONG humanitaire, ils se sont « réunifiés ». Il nous a rassemblés, fait jouer ensemble, explique Théo, un des chanteurs du groupe, réuni avec tous les autres membres au domicile de leur leader, Ricky. Le vieux chef a 70 ans maintenant. Son « regard est las », mais il assure avoir l’énergie pour reprendre le fil de l’aventure brusquement arrêtée. Chaque jeudi, ils se retrouvent là, à N’Djili, commune populaire de Kinshasa, à l’ombre d’une bâche tendue au-dessus de la cour, pour créer des nouvelles chansons, répéter, se rôder. Une peinture murale représente Ricky au temps de sa splendeur. Un des derniers titres parle de la Covid, de la pandémie et du confinement. Les paroles en lingala s’enchaînent, des voisins attirés par la musique poussent le portail en tôle ondulée. Un nouvel album, « Effacer le tableau », est sorti, mais n’a eu que peu d’écho. « Nous voudrions faire un nouveau documentaire », pour pouvoir dire au monde que « Le Staff Benda Bilili est de retour », explique Live Mindanda, chargé de relations publiques du Staff. Mais le groupe entend aussi batailler pour récupérer sa part des recettes tirées du film qui les a rendus célèbres, « Benda Bilili », présenté en 2010, dans la catégorie documentaire au festival de Cannes. Depuis tout ce temps, ils n’ont rien perçu des diffusions et entrées en salles, assurent-ils. « Ils font la mendicité, alors qu’ils ont des droits qui peuvent changer leur vie », s’indigne Live Mindanda. Roger, Ricky et les autres jurent n’être en guerre contre personne. Tous ne sont pas d’accord d’ailleurs sur la procédure à suivre pour récupérer cet argent. « Mais la musique est une chose, nos droits en sont une autre », estime Théo. « Nous allons assigner les producteurs devant le tribunal de commerce de Paris, et demander des dommages et intérêts », explique l’avocate désormais chargée de porter leur dossier en justice, Maitre Mizou Bilongo Nsanda. Parmi les réalisateurs et producteurs visés, Renaud Barret explique que lui-même n’a perçu son dû que très tard, après près de dix ans de conflit entre distributeurs. Environ 25 000 euros, dit-il. Le contrat prévoyait que Le Staff Benda Bilili recevrait 10% des  recettes. « On va leur faire leur chèque, bien sûr », assure le réalisateur français, auteur de plusieurs autres documentaires sur Kinshasa, la ville tentaculaire qui vous prend dans son tourbillon de musique et d’art de rue. Nous espérons que le groupe et le réalisateur trouveront un terrain d’entente. Mais entre temps, Renaud ne voit plus Ricky. Pour le moment, Le Staff se cherche une nouvelle vie et solde l’ancienne…

Majoie Kisalasala/correspondante en France

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