Elections Législatives 2022 en France

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Rachel Kéké : une femme de chambre à l’Assemblée Nationale

La candidate Nupes, qui s’était illustrée lors de la grève marathon à l’Hôtel Ibis des Batignolles, l’a emporté de justesse face à l’ancienne ministre des Sports Roxana Maracineanu, dans la 7e circonscription du Val de Marne. C’est une « victoire symbolique ». Ce dimanche 19 juin, dans la 7e circonscription du Val-de-Marne, Rachel Kéké, 48 ans, femme de chambre et porte-parole lors de la grève des femmes de chambre de l’Ibis Batignolles (Paris) entre 2019 et 2021, vient d’être élue « députée », sous étiquette Nupes.

La porte s’est ouverte dans un grand fracas vers 22 heures. Ce n’était pas vraiment celle de l’Assemblée Nationale. Juste celle de son local de campagne à Chevilly-Larue (Val-de-Marne). Mais c’était tout comme, parce que Rachel Kéké (Nupes), 48 ans, est devenue ce dimanche la première femme de ménage à entrer au Palais-Bourbon. Une victoire à l’arraché, 50,3% des voix, soit moins de 200 voix d’écart, face à l’ex-ministre des Sports (LREM) Maracineanu.

Elle s’impose dans le duel qui l’opposait après le premier tour à une figure de la Macronie. Mais une victoire accueillie par un tonnerre d’applaudissements, des cris « Rachel Kéké députée ». La syndicaliste CGT, figure emblématique de la très longue grève du personnel de l’hôtel Ibis des Batignolles à Paris, entre 2019 et 2021, s’offre même quelques pas de danse.

« Cette victoire est historique, lance-t-elle à ses supporters quelques minutes plus tard au théâtre de la ville. Une coupe du monde. Je serai une députée exemplaire. Je veux nettoyer l’Assemblée Nationale. Je veux y faire le ménage. Si tu es éboueur ou agent d’entretien, tu peux entrer au Palais-Bourbon ! ». Dès la fin de son discours, la chanson « I Will Survive » donne des airs de victoire de Coupe du monde. Dans le théâtre, des militants mais aussi des membres de sa famille. « Tata a gagné, tata a gagné », saute de joie un enfant. Lors du premier tour des législatives, Rachel Kéké a revendiqué sa victoire avant même son officialisation. Cette Franco-Ivoirienne, naturalisée en 2015, est sans doute la plus emblématique des figures issues des luttes syndicales et associatives que la coalition de gauche entendait mettre en avant dans ces élections.

La nouvelle députée se définit comme une « guerrière » et veut « faire du bruit » au palais Bourbon afin d’y porter la voix des travailleurs « invisibles ». « C’est ce que j’appelle une leader de masse », dit d’elle le député LFI Eric Coquerel. « Elle a quelque chose qui magnétise, elle est forte, elle a les mots justes, elle n’a pas besoin de lire lors de ses prises de parole », déroule-t-il.

C’est lors des 22 mois de grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris, pendant lesquels Rachel Kéké portait des revendications de ses collègues, qu’Eric Coquerel a fait sa connaissance.

Entre 2019 et 2021, cette militante CGT s’est mobilisée afin d’améliorer les salaires et les conditions de travail des femmes de ménage face au « mépris » de la direction. Cet hôtel devant lequel Rachel Kéké a commencé à se tailler une réputation syndicale et politique, elle a continué d’y travailler pendant le début de sa campagne avant de prendre un congé pour se consacrer pleinement aux législatives. « C’est un métier qui détruit le corps. Il y a des syndromes du canal carpien, des tendinites, des maux de dos… », détaille-t-elle à l’AFP, se souvenant encore de cette sensation, « comme si on lui avait donné des coups partout », après son premier jour en tant que femme de ménage en 2003.

« Mais je me suis dit qu’il fallait que je prenne mon courage à deux mains, pour mes enfants », se rappelle-t-elle. Mère de cinq enfants, Rachel Kéké est née en 1974 dans la commune d’Abobo, au nord d’Abidjan, d’une mère vendeuse de vêtements et d’un père conducteur d’autobus. A 12 ans, au décès de sa mère, c’est elle qui se retrouve en charge de ses frères et sœurs. Rachel Kéké arrive en France en 2000 et commence à travailler comme coiffeuse avant d’entrer dans l’hôtellerie. Dans l’Hexagone, elle déménage souvent, alternant entre les squats ou les appartements d’amis en banlieue parisienne, avant de se fixer grâce au DAL (Droit Au Logement). Naturalisée française en 2015.

La France est un pays de ses rêves et pour lequel avait combattu son grand-père pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette ancienne femme de chambre habite maintenant les Sorbiers, une cité de Chevilly-Larue (Val-de-Marne) d’où elle a lancé sa campagne électorale pour les législatives. Avec toujours le même message : « secouer le cocotier » à l’Assemblée. « Nous ne sommes pas des rebelles, on veut juste notre dignité », a-t-elle lancé devant les acclamations des 200 amis et militants venus la soutenir. « Je veux faire le ménage » à l’Assemblée, lance l’ancienne femme de chambre.

Celle qui se définit comme « féministe » et « défenseuse des gilets jaunes », a paré d’éventuelles attaques sur son manque de formation. « Si tu me parles avec le français de Sciences Po, je vais te répondre en banlieuesard ! », a-t-elle mise en garde. « On connaît le niveau d’une femme de chambre, on sait que je n’ai pas de Bac+5 », expliquait-elle à l’AFP. « Je dis ce que je ressens. Si on me pose une question sur quelque chose que je ne comprends pas, je ne répondrai pas. Il faut que les médias s’habituent à ça ». Rachel Kéké a tout à apprendre d’un point de vue de la politique politicienne », détaille HadIssahnane, conseiller municipal LFI de Chevilly-Larue, mais « elle peut enseigner plein de choses de la vie réelle à plein de politiques. Les femmes de l’hôtel Ibis des Batignolles sont évidemment de la fête. Merci à elles, merci aux battantes, aux guerrières », les salue Rachel Kéké. « Elle est là pour nous.

Là où il y a la souffrance. Et nous également on sera là pour elle ! », explose Jeannette, une de ses camarades de lutte. « On perd à rien », lâche un militant en quittant le QG de Roxana Maracineanu, ce dimanche soir. L’ancienne ministre vient d’annoncer sa défaite. Malgré les « 80 militants qui ont tracté tous les soirs et collé des affiches » pour elle et son suppléant Yacine Ladjici (SE), le report des voix n’a pas suffi. « Le résultat est très serré, avec un écart de moins de 200 voix », explique Roxana Maracineanu à l’issue d’une campagne « éreintante », sur un territoire auquel elle s’est « attachée ».

Elle sera très attentive à ce que Rachel Kéké fera au sein de l’Assemblée. Un désaveu pour Emmanuel Macron, qui n’a pas eu la majorité absolue, nous craignons que cette Assemblée soit ingouvernable. L’illusion pour Jean-Luc Mélenchon qui ne sera pas Premier ministre. Marine Le Pen, célèbre l’entrée de 89 députés du Rassemblement national pour la première fois à l’Assemblée Nationale.

Majoie Kisalasala

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