Héros de la lutte anti-apartheid

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L’archevêque Desmond Tutu a tiré sa révérence

Monseigneur Desmond Tutu, archevêque anglican et figure de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, est mort dimanche 26 décembre. Il avait eu 90 ans le 7 octobre dernier. Desmond Tutu  fut une véritable icône de la lutte contre l’apartheid et a reçu le prix Nobel de la Paix en 1984. Il  s’est éteint à l’âge de 90 ans, dimanche 26 décembre. C’est le président d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, qui a confirmé la triste nouvelle par voie de communiqué. Le président a exprimé « au nom de tous les Sud-Africains, sa profonde tristesse à la suite du décès de cette figure essentielle de l’histoire sud-africaine  ». « Le décès de l’archevêque émérite Desmond Tutu est un nouveau chapitre de deuil dans la vie de notre nation et qui marque une génération de sud-africains exceptionnels qui nous ont légué une Afrique du Sud libérée », a ajouté le président. « Un homme d’une intelligence extraordinaire, intègre et invincible contre les forces de l’apartheid, il était également tendre et vulnérable dans sa compassion pour ceux qui avaient souffert de l’oppression, de l’injustice et de la violence sous l’apartheid, et pour les opprimés et pour les oppresseurs du monde entier », a ajouté Cyril Ramaphosa. The Arch, comme il était surnommé par les Sud-Africains, était affaibli depuis plusieurs mois. Il ne parlait plus en public, mais saluait toujours les caméras présentes à chacun de ses déplacements, sourire ou regard malicieux, lors de son vaccin contre la Covid dans un hôpital ou lors de l’office au Cap pour célébrer ses 90 ans en octobre. S’ils ont inspiré les foules, les engagements de Desmond Tutu ont également beaucoup irrité. Son Eglise anglicane, par exemple, quand il défendait les droits des homosexuels (« Je ne pourrais pas vénérer un Dieu homophobe ») ou, plus récemment, le droit de mourir dignement. La Chine aussi, chaque fois qu’il prenait parti pour le dalaï-lama. Ou encore les gouvernements sud-africains successifs, dont il a dénoncé les turpitudes. Même son ami Nelson Mandela n’a pas échappé à ses foudres. A son arrivée au pouvoir en 1994, Tutu a reproché à son Congrès national africain (ANC) une mentalité de « profiteur ». Ses convictions étaient fermes, mais Desmond Tutu les a toujours défendues avec une joyeuse exubérance. Volontiers blagueur, y compris à ses dépens, il n’hésitait pas à agrémenter ses harangues de quelques pas de danse et d’un rire proche du gloussement devenu sa marque de fabrique. Desmond Tutu a acquis sa notoriété aux pires heures du régime raciste de l’apartheid. Alors prêtre, il organise des marches pacifiques contre la ségrégation et plaide pour des sanctions internationales contre le régime blanc de Pretoria. Seule sa robe lui épargnera la prison. Son combat non violent est couronné du prix Nobel de la paix en 1984. A l’avènement de la démocratie dix ans plus tard, celui qui a donné à l’Afrique du Sud le surnom de « nation arc-en-ciel » préside la Commission vérité et réconciliation (Truth and Réconciliation Commission, TRC) qui, espérait-il, devait permettre au pays de tourner la page de la haine raciale. « Je marche sur des nuages. C’est un sentiment incroyable, comme de tomber amoureux », avait-il confié « Nous, Sud-Africains, allons devenir le peuple arc-en-ciel du monde ».

 Ses espoirs sont vite déçus. La majorité noire a acquis le droit de vote, mais reste largement pauvre. Fidèle à ses engagements, le « curé » du Cap devient alors le pourfendeur des dérives du gouvernement de l’ANC, à commencer par les errements de l’ancien président Thabo Mbeki dans la lutte contre le sida. En 2013, il promet même de ne plus jamais voter pour le parti qui a triomphé de l’apartheid. « Je n’ai pas combattu pour chasser des gens qui se prenaient pour des dieux de pacotille et les remplacer par d’autres qui pensent en être également », avait déploré Desmond Tutu. Inlassable militant de l’unité raciale, il ne craint pas en 2011 de proposer une taxe sur la richesse des seuls Blancs pour corriger les inégalités. « Ils ont profité de l’apartheid », plaide-t-il. A l’étranger, on le voit aussi sur tous les théâtres des conflits, RD Congo, Soudan, Kenya ou Palestine. Il appelle à juger les dirigeants occidentaux pour la guerre en Irak. Chemin faisant, il gagne le cœur de nombreuses personnalités. Le dalaï-lama en fait son « frère aîné spirituel », le président américain Barack Obama « un symbole de gentillesse et de paix ». Et le dernier président sud-africain blanc Frederik de Klerk confessait « un immense respect pour sa témérité ». Nelson Mandela en faisait même un saint. « Dieu attend l’archevêque, il va l’accueillir à bras ouverts », écrit-il. « Si Desmond arrive au paradis et se voit refuser l’entrée, alors aucun de nous n’y entrera ». A l’inverse, l’ancien président zimbabwéen Robert Mugabe, dont il a étrillé la dérive dictatoriale, le taxait de « méchant petit homme en robe ». Quand on l’interrogeait sur sa célébrité, l’archevêque souriait. Et remerciait sa famille de l’aider à garder les pieds sur terre. Ma femme a mis une pancarte dans notre chambre, qui dit : « Tes opinions peuvent être erronées », racontait-il. « Ils sont là pour dégonfler la haute opinion que j’ai de moi-même »! Desmond Tutu est né le 7 octobre 1931 dans l’anonymat de Klerksdorp, petite cité minière au sud-ouest de Johannesburg. Enfant, il souffre de poliomyélite. Marqué par cette expérience, il veut devenir médecin, mais y renonce faute de moyens. Il sera enseignant, avant de démissionner pour protester contre l’éducation de moindre qualité réservée aux Noirs et d’entrer au séminaire. Ordonné prêtre à 30 ans, il étudie et enseigne au Royaume-Uni et au Lesotho, puis s’établit à Johannesburg en 1975. Avant d’être nommé archevêque du Cap et chef de la communauté anglicane de son pays. Il était marié depuis 1955 à Leah, dont il a eu quatre enfants. Malgré un cancer de la prostate diagnostiqué en 1997 et plusieurs séjours à l’hôpital, cet homme d’une vitalité stupéfiante, ne s’est retiré que très progressivement de la vie publique, partageant un compte Twitter avec sa fille Mpho, qui dirige sa fondation. Jusqu’au bout, il s’est accroché à son rêve d’une Afrique du Sud multiraciale et égalitaire. A la mort de Nelson Mandela, en 2013, Desmond Tutu avait réveillé une cérémonie officielle bien ennuyeuse en faisant hurler un puissant « oui » à la foule après lui avoir lancé : « Nous promettons à Dieu que nous allons suivre l’exemple de Nelson Mandela » ! Les hommages ont afflué après l’annonce de sa mort. Le « combat » de Desmond Tutu « pour la fin de l’apartheid et la réconciliation sud-africaine restera dans nos mémoires », a quant à lui salué dimanche le président français, Emmanuel Macron. Monseigneur Tutu « consacra sa vie aux droits de l’homme et à l’égalité des peuples », rappelle le chef de l’Etat français dans un tweet, joignant sa voix au concert international d’hommages rendus à l’ancien archevêque anglican du Cap. Disant avoir « le cœur brisé », le président américain Joe Biden et son épouse Jill ont estimé dans un communiqué que « l’exemple » de Desmond Tutu « transcende les frontières et trouvera un écho à travers les âges ». Le couple présidentiel américain a également évoqué le « pouvoir du message de justice, d’égalité, de vérité et de réconciliation », porté par l’archevêque anglican. Depuis le Royaume-Uni, la reine Elizabeth II s’est dite « profondément attristée » par la mort de Monseigneur Tutu et a salué sa défense « inlassable » des droits de l’homme. « Toute la famille royale britannique se joint à moi afin d’exprimer notre profonde tristesse à l’annonce de la mort de l’archevêque Desmond Tutu, un homme qui a défendu inlassablement les droits de l’homme en Afrique du Sud et dans le monde entier », a déclaré la souveraine, chef du Commonwealth dont fait partie l’Afrique du Sud, dans un message de condoléances. Le premier ministre britannique, Boris Johnson, s’est aussi dit « profondément attristé d’apprendre son décès ». La fondation Mandela a qualifié sa perte « d’incommensurable » : « C’était un être humain extraordinaire. Un penseur. Un leader. Un berger ». Le pape François s’est déclaré « attristé » par cette perte. « Conscient du service rendu à l’Evangile par la promotion de l’égalité raciale et la réconciliation » dans son pays, le souverain pontife « recommande son âme à la miséricorde aimante de Dieu Tout-Puissant ». Le président du Conseil européen, qui représente les 27 pays de l’Union européenne, Charles Michel, a rendu hommage à « un homme qui a donné sa vie à la liberté avec un engagement profond pour la dignité humaine. Un géant qui s’est dressé contre l’apartheid ». Desmond Tutu était « la voix des sans-voix et une source d’inspiration pour des générations du monde entier », a déclaré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Le « groupe des sages », créé en 2007 par Nelson Mandela et qui rassemble des personnalités politiques travaillant sur les grands problèmes mondiaux, a rendu hommage à l’archevêque, une « inspiration » pour le monde dont « l’engagement pour la paix, l’amour et l’égalité » continuera « d’inspirer les générations futures ». Les « sages » ont perdu un ami cher, dont le rire contagieux et le sens de l’humour espiègle les ont tous ravis et charmés » a réagi dans un communiqué le groupe qui compte dans ses rangs Ban Ki-Moon ou Jimmy Carter, et dont Desmond Tutu a été le premier président.

Majoie Kisalasala

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