Evoloko Atshuamo dit Joker, la légende vivante de la musique congolaise !

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Antoine Evoloko Bitumba Bolay Ngoy, alias Anto Nickel, Lay-Lay, Atshuamo, Joker dit la carte qui gagne.  Antoine Evoloko est né le 20 mai 1954 au Congo Belge (aujourd’hui République Démocratique du Congo). Evoloko Joker est un chanteur, auteur-compositeur congolais. Il fait ses débuts dans Zaïko Langa Langa en 1969, à l’âge de quinze ans, et fait fureur dans les années 1970 et 1980. On reconnaît en lui l’une des premières superstars de la musique congolaise moderne, et l’un des artistes ayant marqué la musique populaire moderne de l’Afrique. Alors que le Congo belge allait bientôt connaître des profonds bouleversements sociaux, culturels et politiques. Evoloko, comme la majorité des jeunes congolais de son époque, bénéficie d’une éducation catholique et fréquente le collège public Athénée de Kalina, rebaptisé « Athénée de la Gombe » en 1971.

Son éducation catholique et son bref passage à l’Athénée de Kalina marquent profondément l’œuvre artistique du chanteur qui reprend les propos de la Bible dans ses chansons. En 1969, Evoloko Atshuamo est alors le plus jeune du groupe, aux côtés de : Jules Shungu Wembadio (alias Papa Wemba), Simon Mavuela Somo (alias Siméon), Joseph Nyoka Longo (alias Jossart), Gina Efonge (alias Gina wa Gina), André Bimi Ombale (alias Muana Wabi), Bozi Boziana (alias Ya Benz), Félix Manuaku Waku (alias Pépé Fely), Zamuangana (alias Enoch), Paul Bakundé Ilo Pablo, Mbuta Matima, Teddy Sukami… Ces jeunes sont alors encadrés par les fondateurs de cet orchestre : Marcellin Delo, Henry Mongombe, André Bita et DV Muanda. Dès le début Evoloko étonne par son talent naturel. Mais il approche la musique avec timidité et un peu de réticence, comme s’il pressentait que son destin était ailleurs que dans la musique. Il adore chanter, il s’amuse et aime l’attention que le public lui portait.

Mais il hésite entre faire la musique, poursuivre les études ou devenir prêtre. Et pourtant, c’est la musique qui finit par le choisir, alors qu’il n’y prêtait pas vraiment attention. A dix-huit ans, Evoloko Lay-Lay est une superstar qui brille dans tout Kinshasa. Pour beaucoup de ses pairs et pour la jeunesse congolaise, Evoloko est l’idole, le modèle à suivre et le leader incontesté du groupe Zaïko Langa-Langa. Jusqu’au moment où il le quitte pour la première fois en 1975. Les mélomanes congolais ne font pas vraiment de distinction entre ce jeune prodige et le groupe Zaïko Langa-Langa. Les mélomanes ne voyaient que du feu. Il est beau, dynamique, talentueux et surtout, il invente par sa façon de s’habiller, son rythme Cavacha et ses chansons. Son look attire irrésistiblement tous les jeunes congolais de l’époque.

En fait, de 1970 à 1975, Evoloko s’impose tout naturellement sur ses collègues de Zaïko Langa-Langa. Evoloko Atshuamo est alors le jeune premier à qui tout Kinshasa désire ressembler du pied à la tête. Durant les cinq premières années de l’orchestre Zaïko Langa-Langa, Evoloko commande le groupe, car la première cuvée des chansons à succès de Zaïko Langa Langa porte son estampillage. Le succès qu’il connaît auprès des jeunes et ses chansons mélodieuses en font bientôt une légende. Il lance successivement des chansons telles que « Francine Keller », « Charlotte Adieu na Athénée », « Ami Bakumba », « Belinda Ya Mbongo/Onassis », « Eluzam » et « Mbeya Mbeya », qui sont considérées parmi les meilleures chansons des années 1971, 1972, 1973 et 1974, et demeurent des classiques de la musique congolaise moderne. Alors que ces chansons atteignent le hit du succès jamais connu auparavant, les éditions Parlons-ou-Mondenge’, qui commercialisaient la production discographique de Zaïko Langa Langa à l’époque, offrent à Evoloko une voiture neuve en guise de reconnaissance pour son talent. Il n’avait alors que vingt ans, et c’était du jamais vu !

Mais le succès et l’argent ont bientôt raison du jeune et talentueux artiste. Ainsi, la naïveté et l’arrogance, déjà bien présentes chez Evoloko, deviennent encore plus exacerbées. Ses absences aux séances de répétitions et ses retards lors des concerts amènent DV Muanda et Manuaku Pépé Felly à le révoquer en 1974, pour indiscipline. En signe de solidarité, Mavuela Somo, Papa Wemba, et Bozi Boziana quittent également Zaïko Langa Langa, afin de créer avec Evoloko le groupe Isifi Lokole. Dans son nouvel orchestre, Evoloko sort les chansons : « Adolofina », « Sambole », « Tour-à-tour », « Toto Litina », « Amundalasini »… En tant qu’ancien de l’orchestre Zaïko Langa Langa, les débuts d’Evoloko dans ce groupe légendaire en 1969 le marquent d’une manière indélébile et il y reste éternellement identifié. Quelques temps après, Shungu Wembadio, Mavuela Somo et Bozi Boziana quittent Isifi Lokolé pour créer l’orchestre Yoka Lokolé. En 1977, Isifi Lokolé devenu Isifi Melodia meurt à petit feu, Evoloko lui-même a du mal à retrouver le succès.

Curieusement, le coup fatal qui lui est porté, vient non pas de Zaïko Langa Langa, mais de son ami Shungu Wembadio, considéré à l’époque comme le maillon le plus faible de la chaîne des chanteurs de la première génération de Zaïko Langa Langa. Effectivement, en 1977, Shungu Wembadio, devenu Papa Wemba, crée son propre orchestre, « Viva la Musica ». Le succès soudain de cette dernière formation musicale marque la rupture de la musique de jeunes avec le style fiesta auquel Evoloko est associé, et l’introduction du style rumba, auquel s’identifie Papa Wemba.

Ceci eut finalement raison d’Isifi Melodia. Ainsi, Papa Wemba détrône pour toujours la place qu’occupait Evoloko huit ans auparavant. La référence du kinois au numéro 6 de la rue Wafania, Yolo-Nord, fief d’Evoloko, cède la place au puissant Village Molokaî, où trône désormais Papa Wemba, son chef coutumier. De 1977 à 1979, Evoloko perd ses éléments les plus promoteurs au profit de Papa Wemba. Isifi Melodia est donc condamné, et finit par disparaître. Fuyant le tsunami Zaïko Langa Langa et Viva La Musica qui dominaient sans partage la musique zaïroise (congolaise), Evoloko se réfugie en Europe, mais il retourne aussitôt à Kinshasa. En 1979, il chante sans grand succès avec les Casques-Bleus, on peut voir ici l’idée de « Ba Croix-Rouges » se poindre, ce qui deviendra plus tard l’emblème des Langa-Langa Stars.

Il affirme qu’il n’y a pour lui « point de salut en dehors de Langa Langa Stars ». Evoloko décide donc d’implorer son retour dans Zaïko Langa Langa auprès de DV Muanda. Ce dernier, le réintègre sur insistance de Manuaku Pépé Felly, avec l’opposition d’autres membres qui ne voulaient pas d’Evoloko. L’orchestre Zaïko Langa Langa est au sommet de sa gloire et le quartet Nyoka Longo. Bimi Ombale, Lengi Lenga et Likinga Redo, est devenu l’image de Zaïko Langa Langa, avec le couronnement de « Sentiment Awa » de Nyoka Longo comme meilleure chanson de l’année 1979. Evoloko est donc bon gré mal gré, réintégré dans l’orchestre Zaïko Langa Langa. Encore une fois, il y apporte tout son talent, et tout semble comme si Evoloko reprenait son succès là où il l’avait laissé en 1974 dans Zaïko Langa Langa.

A suivre…

Majoie Kisalasala

Bien entendu, Evoloko, entouré de grands chanteurs, arrangeurs et compositeurs n’est destiné qu’à exploser encore. En moins de deux ans, Zaïko Langa Langa produit des chansons mémorables telles que : « Femme ne pleure pas » de Pépé Felly Manuaku, « Le Septième Sacrément » d’Evoloko Joker, « Obie », de Pépé Felly Manuaku, « La Blonde » de Bimi Ombalé, « Viya » de Likinga Redo, mais surtout « Fièvre Mondo » d’Evoloko Atshuamo, qui fut couronnée meilleure chanson de l’année 1980. Le succès retrouvé ramène aussitôt son lot de problèmes pour Evoloko. L’exploit de la superstar avec la chanson Fièvre Mondo lui monte à la tête. Et avec le départ de Pépé Felly, il n’a personne pour plaider sa cause.

Il est alors immédiatement isolé par le quartet et ne chante que deux à trois chansons par concert. Plus encore, Evoloko ne supporte pas le succès, l’organisation, la discipline et l’autorité de Nyoka Longo. Après tout, ce dernier n’était pas vraiment connu lorsqu’Evoloko  régnait sur Zaïko, au début des années 1970. Mauvais calculs, en effet : Evoloko décide encore une fois de quitter Zaïko Langa Langa, attiré par les promesses de Kiamuangana Verckys, et une fois encore, Zaïko Langa Langa s’envole vers un succès sans précédent sans lui, car le quartet peut à nouveau s’exprimer sans l’égo ni les caprices d’Evoloko. En 1981, alors qu’il domine encore une fois la scène musicale congolaise, Evoloko est impliqué dans une conspiration manigancée par Kiamuangana Mateta pour enlever les meilleurs éléments de Viva la Musica et de Zaïko Langa Langa afin de créer l’orchestre Langa Langa Stars dont Evoloko serait le meneur.

On les appelle, les Sept Patrons et Evoloko devient le Patron des patrons. Il se retrouve donc à la tête d’un des groupes musicaux les plus forts, mais également les plus éphémères de l’histoire de la musique congolaise : Langa Langa Stars compte en effet des artistes tels que : « Dido Yogo », « Kisangani Espérant Djengaka », « Djuna Djanana », « Bozi Boziana », « Roxy Tshimpaka », « Djo Mali » et « Petit Cachet ». Evoloko aurait exigé à Emeneya Kester de se raser la tête afin d’être recruté dans son orchestre, sachant que la marque de commerce d’Emeneya était sa coiffure. Cet orchestre connaît un énorme succès, notamment avec les chansons : « Leya »d’Evoloko, « Chérie Bakutu » de Djo Mali, « Tantine Betena » de Dido Yogo, « Solanga » de Djanana, « Tête Africaine » de Kisangani Espérant, « La Minionna » de Bozi Boziana, « Requiem » d’Evoloko, « Soleil Adiata » d’Evoloko, « Parapluie » de Djanana, « Moyeke » d’Evoloko et « Péché Mortel » et « Autopsie » de Kisangani Espérant.

Néanmoins, l’orchestre Langa Langa Stars constitue un des épisodes les plus dramatiques de l’histoire de la musique congolaise. Evoloko qui jadis dominait par son talent naturel de chanteur, auteur-compositeur et danseur, allait régner sur un orchestre qui lui était servi sur un plateau par Kiamuangana Mateta Verckys. Dès 1983, les Patrons de Langa Langa Stars commencent un par un à quitter le navire, alors que les groupes : Choc Stars et Victoria Eleîson dominent désormais la scène musicale kinoise avec Zaïko Langa Langa. L’épisode Langa Langa Stars se termine donc avec le départ de Dindo Yogo pour Zaïko et le fracassant départ de Djanana, suivi de Djo Mali, deux inconditionnels d’Evoloko, pour le groupe Chocs Stars, en 1985. L’histoire se répète donc pour Evoloko. De 1986 à 1989, il s’emploie à sauver ce qui reste de Langa Langa Stars avec le recrutement de Mazeya, Coco Anana et de Dicky-le-roi. Evoloko chante « Bedadi », « Rose de Paris », « Muana Ekanga », « Done’ », « Fleur de Bangui » et d’autres chansons, mais malheureusement cet orchestre est condamné à disparaître comme Isifi Melodia en 1978. Cette fois-ci , la star s’exile en Europe, comme en 1978, après la dissolution d’Isifi Melodia, la pression étant énorme et pesant lourd sur Evoloko.

Toutefois le prévisible dénouement a été par ailleurs précipité par l’inexorable migration du marché de la musique locale congolaise vers Paris et Bruxelles, où Papa Wemba et Koffi Olomidé étaient déjà solidement installés. Cette migration, amorcée quelques années plus tôt par Franco Luambo Makiadi, avec des chansons telles que « Mamou », « Makambo ezali minene » qui relataient la vie loufoque des femmes zaïroises de Bruxelles, a été par ailleurs mise à profit par Papa Wemba et Koffi Olomidé, grâce aux chansons qui glorifiaient la vie de désœuvrement que menaient les jeunes congolais vivant en Europe.

Installé à Paris, Evoloko n’a pas d’objectif clair. Néanmoins, il essaye de bâtir une présence : il collabore avec Souzi Kaseya pour sortir l’album Mbonge en 1989. Ce dernier connaît un succès considérable, mais Evoloko, en tant que vedette, a moins de succès que son propre album. Ce dernier tente donc la stratégie qui avait réussi pour Papa Wemba. Mais la transition vers une musique qui glorifie le désœuvrement et la médiocrité s’est révélée difficile. Pourtant c’est bien ce que les parisiens kinois attendent d’Evoloko. Alors il chante avec le Ngatchié Strevos Niarcos et Papa Wemba lui-même dans l’album B-52. Mais toutes ces tentatives ne permettent pas à Evoloko de se bâtir une présence en Europe.

Evoloko appartient à la classe musicale du fiesta, un style rythmique très apparenté au rythme soul américain. On se souvient de la frappante similitude de ses mouvements de danse avec ceux du roi du soul, l’américain James Brown, mouvements qui constituent le fondement de la danse Cavacha. Avec sa voix aiguë et limpide, une voix capable de charmer des milliers. Avec sa belle voix, Evoloko est parvenu à créer toute une école. Ses pairs reconnaissent en lui, un des pionniers et chefs de file de la musique africaine moderne et la musique congolaise lui doit beaucoup. Il est vrai que de nombreux artistes congolais ont appris à ses côtés avant de devenir les vedettes qu’elles sont aujourd’hui.

Il est également vrai que comparé à ses pairs comme Papa Wemba, Kester Emeneya, Koffi Olomidé, Lokua Kanza, Evoloko n’a pas connu de carrière internationale. Shungu Wembadio (alias Papa Wemba), le seul chanteur congolais valablement comparable à Evoloko sur le plan artistique, est arrivé à évoluer sur la scène internationale. Evoloko comme Papa Wemba, Abeti Masikini, Mpongo Love, Emeneya, Rochereau Tabu, Franco Luambo, Lutumba Simaro, Grand Kallé, Wendo Kolosoy, Pépé Kallé, Bozi Boziana, Nyoka Longo et Koffi Olomide, pour ne citer qu’eux, restent des monuments dans l’histoire musicale de la RDC. L’exil européen d’Evoloko a duré quinze années. Durant cette période, il est la risée de la communauté congolaise de Paris et Bruxelles.

En 2004, l’artiste décide de retourner à Kinshasa, espérant relancer sa carrière. Mais Kinshasa, tout comme la nouvelle République Démocratique du Congo, a bien changé. La ville est assiégée par des petits groupes musicaux, contrôlés par des noms comme : Papa Wemba, Madilu Système, Koffi Olomide, Nyoka Longo, Rochereau Tabu et Kiamuangana Verckys. On ne peut pas non plus oublier les pôles des Wenge Musica, qui sont autant d’obstacles à un éventuel retour d’Evoloko. Il faut également dire que la presse locale et l’opinion publique congolaise lui sont défavorables. Une grande partie de cette opinion publique ne voit Evoloko chanteur qu’au sein de l’orchestre Zaïko Langa Langa.

Nombreux aussi sont ceux qui ne lui ont pas pardonné d’avoir comploté avec Kiamuangana Verckys afin de mettre fin à Viva La Musica. Toutefois Evoloko vit actuellement à Kinshasa où il a purgé une peine de prison pour une affaire de viol. Il a été gracié par le président Joseph Kabila au milieu de l’année 2010. Aujourd’hui, nous ne voulons pas seulement nous souvenir de ses erreurs, mais également de ses exploits qui démontrent que ce grand artiste a bousculé les codes. Malgré ses caprices de star, Evoloko Atshuamo demeure le monument vivant de la musique congolaise moderne.

Majoie Kisalasala

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