Le chef de l’État congolais Félix Tshisekedi a justifié, le samedi 11 octobre à Bruxelles, son approche d’ouverture envers Paul Kagame, son homologue rwandais, après avoir tendu publiquement la main à celui-ci pour, selon ses propres termes, « instaurer la paix des braves ».
Cette position est décrite par le Président congolais comme un acte de bravoure politique, loin d’être une marque de faiblesse.
S’exprimant devant la communauté congolaise en Belgique, Félix Tshisekedi a dit avoir voulu « alerter » la planète entière sur l’engagement de la République démocratique du Congo (RDC) à mettre un terme aux hostilités dans la partie est du pays. « C’est nous les victimes. Pourtant, on a tenté de nous faire passer pour ceux qui refusent la paix. Je voulais démontrer que ce n’est pas le cas », a-t-il dit, en ajoutant : « Quand on fait la paix, cela ne signifie pas qu’on est faible. Croyez-moi, je ne suis vraiment pas dans cette position. ».
Le Président congolais a fait remarquer que ses efforts diplomatiques, allant de Luanda à Doha en passant par Washington et Lomé, relèvent d’une même vision, celle de faire reconnaître la RDC comme un acteur positif dans la quête de paix régionale. « J’ai su prouver cela à plusieurs reprises », a-t-il déclaré, se réjouissant de l’appui croissant de nombreux partenaires internationaux.
Cependant, à Kigali, les propos de Félix Tshisekedi ont rapidement entraîné une riposte virulente. Sur le réseau social X (anciennement Twitter), le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a accusé le président congolais d’adopter une « comédie théâtrale improvisée » visant un auditoire « naïf ». « Il devra attendre très longtemps, car le Rwanda n’a aucun intérêt à s’impliquer dans cette farce politique », a écrit le diplomate.
Dans le même communiqué, Olivier Nduhungirehe a reproché à Kinshasa de freiner le processus de paix de Doha et d’avoir refusé le cadre régional d’intégration économique (REIF), que sa délégation avait accepté à Washington le 3 octobre. Il a également accusé les forces congolaises de violer le cessez-le-feu, de collaborer avec des groupes armés Wazalendo sous sanctions internationales, et de mener des attaques contre la population civile tutsie.
Félix Tshisekedi, quant à lui, reste ferme dans sa position. Bien qu’il tende la main à Paul Kagame, il exige en même temps une condamnation explicite de l’agresseur et le retrait des forces rwandaises du sol congolais. « Nous aspirons à un dialogue entre Congolais, mais pas avec ceux qui agressent notre nation », a-t-il affirmé à Bruxelles, appelant à l’unité nationale pour faire front contre l’invasion étrangère.
Ces échanges diplomatiques surviennent dans un contexte de tensions persistantes dans l’Est du pays, où le mouvement rebelle de l’Alliance Fleuve Congo-M23 (AFC-M23), soutenu par Kigali, continue de contrôler certaines zones du Nord-Kivu et Sud-Kivu. Malgré les nombreuses médiations des États-Unis, du Qatar et de l’Union africaine, la situation militaire reste précaire et les négociations sont à l’arrêt.
Le décalage entre les déclarations faites à Kinshasa et celles de Kigali met en évidence la perte de confiance qui affecte la zone des Grands Lacs. Alors que Félix Tshisekedi affirme agir « par obligation de paix », le Rwanda considère que les actions de la RDC ne soutiennent pas ses propos. Avec d’un côté l’espoir d’un rapprochement et de l’autre une escalade des discours, avec un Rwanda qui continue d’emprunter un ton belliqueux, la voie vers une paix durable paraît plus floue que jamais.
J-P E
La rédaction