La frigidité est liée à des troubles de la sexualité féminine. Si pour certaines femmes elle peut paraître anodine, par contre chez les autres elle est vue comme une fatalité.
Sa complexité fait qu’en ce jour plusieurs études menées n’ont pas suffisamment déterminé qu’est-ce qui, sur le plan physiologique, peut occasionner la frigidité. Ainsi, certains mécanismes psychologiques ont été adoptés en vue de déterminer les causes de ce mal-être tout en spécifiant les examens et le traitement auxquels une femme sujette à la frigidité est soumise.
Directeur Général de la Clinique psy, Président de la commission de prise en charge psychosociale dans la riposte covid-19, Chef des travaux à l’université de Kinshasa et psychologue clinicien, Jean Claude Mukanzo,dévoile le fonctionnement de ce phénomène.
Pour ce spécialiste, La frigidité n’est pas une maladie en soi, par contre, elle pose problème lorsqu’elle devient source de frustration et de détresse psychologique chez la femme. Ainsi, plusieurs facteurs à la base de ces troubles sexuelssont d’ordre psychologiques.
Ceci étant, elle se présente sous deux grands aspects dont l’anorgasmie ou absence du plaisir sexuel et l’absence ou la baisse de la libido.
La frigidité liée à l’Anorgasmie ou absence du plaisir sexuel
La capacité d’atteindre l’orgasme dépend de plusieurs facteurs, signale le psychologue. Mais une question se pose : Qu’est-ce qui peut altérer l’atteinte de l’orgasme ?
Plusieurs éléments sont à prendre en considération. Entre autres les barrières religieuses, les croyances culturelles, le niveau éducationnel etl’âge qui se présentent comme un aspect important chez les femmes en début de l’activité sexuelle, répond-il.
Et d’ajouter, des traumatismes sexuels comme le viol et des facteurs émotionnels notamment la peur de grossesse et des infections sexuellement transmissiblespeuvent contribuer à l’altérationorgasmique, renchérit-il.
Pour d’autres femmes, les préliminaires avant l’acte sexuel proprement dit peuvent produire des sensations agréables mais qui ne sont pas toujours de l’orgasme. À ce propos, le psychologue martèle qu’il y a lieu d’établir une nuance entre le plaisir et l’orgasme.
« Dans la plupart des cas, les femmes peuvent ressentir certaines sensations particulières pendant le coït mais qui ne sont pas nécessairement de l’orgasme » souligne-t-il.
La frigidité liée à l’absence ou baisse de la libido
Les facteurs causals d’une absence ou baisse de la libido sont essentiellement de nature psychologique ; Suivant cet aspect, la femme n’a pas envie de s’adonner à l’acte sexuel.
Ce trouble peut être spontané ou provoqué, et dans certains cas le désintérêt pour la sexualité peut être causé par la mauvaise image de soi, la dépression, le stress, l’anxiété, l’absence d’attirance de l’un envers l’autre, la détérioration de la relation dans le couple : l’amour et le désir ne sont plus, a-t-il énuméré.
Autres freins à l’atteinte de l’orgasme et à la libido
Les freins peuvent provenir de soi ou de la nature du partenaire. En tenant compte de ceci, le chef des travaux fait mention de la méconnaissance de son fonctionnement, des expériencessexuelles malheureuses, de la nature de relation qu’entretient la femme avec son entourage en général et avec son partenaire en particulier.
« La connaissance de son corps est un aspect qui favorise l’orgasme féminin. Bien malheureusement, plusieurs femmes négligent cette connaissance de leur propre corps », dit-il. Et d’ajouter : souvent aussi les expériences sexuelles, les habiletés du partenaire peuvent aller soit dans l’altération de l’orgasme soit dans l’amélioration de celui-ci. Par ailleurs,celles qui ont de partenaires peu attentifs et égoïstes qui n’ont besoin que de leur propre satisfaction n’ont point accès à la jouissance sexuelle.
L’incompatibilité sexuelledans le couple, poursuit-il, peut aussi générer la frigidité chez la femme. Mais aussi, il y a la consommation de drogue et d’alcool, la prise des médicaments psychotropes,les maladies de natureneurologiques qui peuvent aussi avoir de l’influence sur la capacité d’atteindre l’orgasme ». Par conséquent, il est d’avis qu’il existe plusieurs facteurs susceptibles de déclencher une frigidité chez la femme.
Prise en charge de la frigidité
« Il n’y a pas d’examen spécifique pour la frigidité et son traitement est essentiellement psychologique », a fait savoir le psychologue clinicien.
Par contre,le spécialiste auprès de qui la femme se fait consulter, peut envisager un test psychologique, de laboratoire, d’imageriepour finalement administrer un traitement dans le but d’aider la concernée à améliorer son bien-être, a-t-il renchéri.
En outre, souligne-t-il,le protocole thérapeutique exige le recours à deux principales techniques dont la sexothérapie qui estun ensemble d’exercices auxquels la femme frigide est soumise. Celle-ci consiste en la musculation du périnée dans le but de rechercher de l’orgasme clitoridien, le clitoris étant l’organe principal de l’orgasme.
Quant à la thérapie cognitivo-comportementale,cette technique vise la réduction de l’anxiété. Lorsque la frigidité dérange, elle peut être source d’anxiété et augmenter le lâcher prise dans l’intimité, a-t-ilinsisté.
Et de poursuivre, c’est une technique d’exploration corporelle par la masturbationqui amène la femme à découvrir son corps, à s’en approprier et à atteindre seule l’orgasme. Et si elle y parvient, c’est alors qu’on associe le partenaire dans le même exercice. C’est donc un processus d’apprentissage pour que cette habitude devienne commune, a-t-il expliqué.
Les facteurs physiologiques susceptibles à la frigidité
Bien que les causes physiologiques n’aient toujours pas réussi à faire leur preuve, certains facteurs peuvent néanmoins occasionner la frigidité et ne sont pas à négliger.
Leshormones jouent un rôle important dans la baisse ou l’augmentation du désir sexuel chez la femme, indique le psychologue.
À l’instar de la phase qui survient après la naissance, le cerveau secrète la prolactine, également appelée hormone anti sexuel.Ellerend la femme moins active dans la sexualité et cette même hormone domine lorsque la femme atteint la ménopause, rajoute-t-il.
Ce qu’atteste le docteur Serge Nyembo, médecin gynécologue à l’hôpital général de référence de Kinshasa ex MamaYemoqui selon lui, un accouchement peut aussi être à la base d’une éventuelle frigidité dans les sens qu’au-delà d’être éprouvant, il peut également provoquer des bouleversements hormonaux susceptibles d’en être la cause.
« Le rôle des facteurs psychologiques demeure aussi important du fait de la manière dont la grossesse a été vécue, le déroulement de l’accouchement ainsi que les éventuelles séquelles laissées par celui-ci » a-t-il précisé.
Car, un accouchement difficile, des déchirures graves, la perception de différentes modifications physiques sont tant d’éléments pouvant influencer le déroulement ultérieur de l’acte sexuel, a-t-il ajouté.
Par ailleurs, dit-il, il convient aussi de signaler que l’allaitement joue un rôle non négligeable du fait de la sécrétion importante de la prolactine qui à son tour inhibe les hormones du désir sexuel.
En évoquant la question sur la ménopause, le gynécologue affirme que celle-ci peut être effectivement considérée comme l’un des facteurs à la base de la frigidité pour plusieurs raisons.
Celles-ci concernent d’une part la chute du taux d’hormones sexuelles appelées les œstrogènesqui sont à la base de la sécheresse et l’atrophie des organes sexuels. D’autre part, la ménopause peut aussi s’accompagner de la dépression ainsi que d’autres troubles d’ordre psychologiques et biologiques. Cela peut aller jusqu’à affecter la perception de la personne, et celle du corps, a-t-ilréaffirmé.
Et de poursuivre, l’on constatera que même le déroulement de l’acte sexuel aura subi d’énormes changement par le fait que :
« Le temps d’excitation sexuelle s’allonge alors que la lubrification sexuelle est mauvaise du fait del’atrophie des organes sexuels consécutive à la chute hormonale, les frottements deviennent douloureux du fait de cette mauvaise lubrification, l’intensité de la réponse à l’orgasme diminue du fait de l’atrophie… ».
Cependant, devant tout cas de frigidité et ménopause, il est toujours judicieux de rechercher les autres éventualités étiologiques notamment : les infections, l’endométriose, le prolapsus utérin…renchérit-il.
Il sied de noter que vouloir imputer toutes ces variations comportementales à des variations hormonales est simpliste voire dangereux car la chimie des émotions et sentiments reste bien plus complexe et relève du domaine de la psychologie, a-t-il conclu.
Les recommandations
Le Directeur Général de la Clinique Psy Jean Claude Mukanzorecommande ce qui suit :
En cas de frigidité, Il faut savoir identifier les facteurs causals pour adopter une attitude en se posant les questions suivantes :
Est-ce un problème hormonal ? Est-ce un problème psychologique ? Est-ce la prise des pilules contraceptives ? Est-ce la prise des médicaments ? A l’issue de ce questionnement, il faut demander conseil au médecin lorsqu’on est dans l’une de ces hypothèses.
Par contre, lorsque le problème est lié à l’harmonie du couple, il faut envisager des discussions entre les deux partenaires ainsi, ils peuvent découvrir les quelques problèmes qui ont entaché le désir sexuel auprès de la femme.De ce fait, les deux partenaires pourront finalement trouver les moyens pour raviver leur sexualité enfavorisant un contexte romantique et en brisant la routine.
« La frigidité n’est pas une fatalité moins encore une maladie », déclare le psychologue.Une cause se cachant toujours derrière ce mal-être, l’intérêtest de se faire aider dans le cas où la concernée se sent dérangée.
Comme il s’agit des problèmes sexuels, il est vrai qu’en Afrique ce sujet demeure un tabou, cependant, la frigidité n’est nullement une question de honte ou des préjugés.
« C’est ainsi que je recommande aux hommes d’aider leursfemmes en cas de frigidité, au besoin de l’amener se faire consulter », a-t-il recommandé.
Margarita-Rosa Ngoy