Répondant au réquisitoire du Procureur général près la Cour de cassation, l’Assemblée nationale a autorisé, dimanche 15 juin 2025, des poursuites judiciaires contre le ministre d’Etat en charge de la Justice, Constant Mutamba, pour l’affaire de détournement présumé de 19 millions de dollars américains débloqués pour la construction d’une prison à Kisangani, province de la Tshopo.
En effet, 322 députés nationaux ont voté pour l’autorisation des poursuites judiciaires, seulement 29 contre et 12 abstentions. Ce vote ouvre un nouveau chapitre dans ce dossier, après l’instruction du Procureur général Firmin Mvonde contre ce membre du gouvernement.
Sans tarder, le PG près la Cour de cassation a instruit la Direction générale de Migration, DGM, d’interdire la sortie du ministre de la Justice de la ville-province de Kinshasa, dit-il, conformément à l’article 83 alinéa 1 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013, relative à la Procédure devant la Cour de cassation. « J’ai décidé d’interdire le susnommé Mutamba de toute sortie de la ville de Kinshasa », a-t-il écrit.
Cette autorisation des poursuites judiciaires contraint le ministre de la Justice à déposer sa démission de son poste, dans les 48 heures –à compter de la décision de l’Assemblée nationale-, pour répondre aux accusations mises à sa charge devant la Cour de cassation.
Retour sur les faits
Tout est parti d’un projet de construction d’une prison dans la ville martyre de Kisangani, dans la province de la Tshopo. Celui-ci était évalué à hauteur de 39 millions USD, coût global pour l’exécution de l’ensemble des travaux. Entretemps, une somme de 19 millions USD était débloquée en faveur de la société Zion Construction, gagnante du marché, dans une procédure de gré à gré.
Après le décaissement de cette première tranche, la Cellule nationale de renseignement financier, Cenaref, a bloqué l’utilisation de ces fonds, en attendant des enquêtes autour de ce sujet qui va défrayer la chronique au sein de l’opinion nationale congolaise.
Se saisissant du dossier, le Parquet général près la Cour de cassation a avant tout soumis son premier réquisitoire à l’Assemblée nationale, pour obtenir l’autorisation d’instruction contre le ministre de la Justice, afin de faire la lumière sur les fonds décaissés en faveur de Zion Construction Sarl en vue de construire une prison à Kisangani.
A son tour, la chambre basse du Parlement a accordé son feu vert au PG près la Cour de cassation d’engager son instruction contre le ministre Mutamba. Après trois rendez-vous d’audition, auxquels le patron de la justice n’a répondu qu’aux deux premiers, le PG Firmin Mvonde a de nouveau saisi l’Assemblée nationale, pour cette fois-ci, demander des poursuites judiciaires contre son prévenu. Un deuxième réquisitoire qui trouve gain de cause auprès des représentants nationaux.
Une récusation sans suite
Au moment où le Parquet près la Cour de cassation attendait la réponse de l’Assemblée nationale, le ministre de la Justice, qui désapprouve la célérité dans le traitement de son dossier, a récusé le Procureur général près cette Cour, ainsi que les magistrats affectés, qu’il a accusés de « partialité » et de « règlement des comptes politiques» contre sa personne.
« Votre intérêt personnel dans cette affaire ainsi que l’inimitié créée entre vous et moi suite à ma lutte contre les antivaleurs dans la justice, justifient la présente récusation et celle des magistrats sous votre autorité pour partialité, règlement de comptes politiques et conflit direct avec le ministre d’Etat », a-t-il écrit dans sa lettre adressée au PG Firmin Mvonde, tout en niant toute intention d’un détournement des fonds.
De son côté, le PG Mvonde a répliqué, à travers son directeur cabinet, concernant sa récusation et celle de ses magistrats. « Monsieur le Procureur général près la Cour de cassation m’a instruit d’accuser réception de votre lettre (…) il vous saurait gré par ailleurs, de garder votre sérénité pour la suite de la procédure, vous assurant qu’en bon légaliste, il s’en est tenu qu’au prescrit légal, et ce, en dehors de toute autre considération », a écrit le Dircab du PG près la Cour de cassation.
Enock Nseka


